Septembre 1914

 

Le 11, le 18e RI traverse Château-Thierry et va faire étape à Beuvardes.
Le 12 à Courville.
Le 13 à Jumigny.
Le 14 à Maizy.
Le 15 à Pontavert (P.C de la 35° D.I)
Le général de Maudhuy, commandant le 18° Corps d’armée frappé par. l’attitude brillante dont le 18e régiment avait fait preuve à Marchais-en-Brie, le mit à la disposition de la 35 D. I. pour l'attaque de la Ville-aux-Bois.


Combat de la Ville-aux-Bois

Carte secteur La Ville aux Bois

Le petit village de La Ville-aux-Bois, dans la plaine, entre Craonne et Berry-au-Bac, termine les pentes Est du plateau historique de Craonne, que parcourt le Chemin des Dames. Les allemands, dans leur retraite, dépassent ce chemin, ils se ressaisissent et cherchent à le reprendre. Pour le conserver il faut tenir La Ville-aux-Bois qui forme charnière à droite. Or ce village a été occupé sans coup férir par un bataillon d’un autre régiment (certainement le 57e RI). Le15 septembre, peu avant la tombée de la nuit, ce bataillon est attaqué. Se jugeant trop en pointe, n’ayant pu obtenir la liaison avec les troupes voisines de droite et de gauche, le bataillon évacue le village et se dirige sur Pontavert. Les allemands occupent aussitôt La Ville-aux-Bois, Dès que le général commandant la 35° D.I en est informé, il prescrit au colonel Gloxin de reprendre immédiatement La Ville-aux-Bois. Il est environ 9h00 heures du soir. Le colonel instruit par l’attaque de nuit de Marchais-en-Brie, au cours de laquelle les unités se sont tirées mutuellement les unes sur les autres, obtint que l’attaque se produirait seulement une heure avant le lever du jour.
Journée du 16 septembre
3 heures. — Le 1er bataillon et les 9° et 11° compagnies sont rassemblées au Nord de Pontavert et doivent se diriger sur La Ville-aux-Bois en longeant les lisières Ouest et Nord du bois qui entoure le village.


Les 10° et 12° compagnies sous les ordres du capitaine Melin, doivent attaquer La Ville-aux-Bois par le Sud, par la route de Pontavert à ce village.
Le 2° bataillon a passé la nuit aux A. P. (Avants postes) entre la route de Corbeny à Pontavert et la lisière Ouest du bois de La Ville-aux- Bois. Un peloton de la 7° compagnie commandé par le lieutenant Boerner, qui a déjà reconnu les abords du village a attaquer, en tête du détachement opérant par le Nord. L'autre peloton, sous les ordres du capitaine Malère, assure la garde du C.A. à Roucy.
4h 10 – Les 7 compagnies formant le détachement du Nord atteignent les premières maisons de La Ville-aux-Bois, sans coup férir. Un petit poste allemand de quelques hommes est enlevé sans qu’il ait eu le temps de donner l’alarme.
Le peloton de la 7e, les 4e , 9e et 11e compagnies doivent attaquer par la route centrale et l’Ouest du village. Les 1 ère et 3e compagnies par la lisière Est du bois et la 2ème la lisière Est du village.
La 4ème Cie s’installe ensuite à la lisière Nord du village pour parer à tout mouvement offensif de l’ennemi.
Les 5°, 6° et 8e Cie , en réserve d’avant-postes, occupent, depuis le 15 septembre, les lisières Nord et Est du bois de Beau-Marais.
Les premières maisons sont enlevées et les allemands qui y sont cantonnés, tués à la baïonnette ; néanmoins quelques-uns parviennent à s’échapper, tirent des coups de fusil et donnent l’éveil.
Les allemands se voyant pris et n’ayant pas le temps de fuir, se barricadent dès lors dans certaines maisons et l'attaque de ces maisons devient très difficile et très meurtrière. En outre l’ennemi qui occupe les fossés Est le long de la route nationale de Corbeny à Berry-au-Bac, ouvre le feu sur la lisière Nord de La Ville-aux-Bois.

Musette_Allemands


Au Sud, les 10° et 12° Compagnies sont accueillies dès leur arrivée par un feu très nourri, mais les hommes enlevés par les capitaines Melin, Mirambeau, et le lieutenant Delard, commandant la 12° Cie, se précipitent sur la barricade du village qu'ils enlèvent à la baïonnette. Les deux mouvements par le Nord et par le Sud ont été tellement bien combinés que les deux attaques se produisent simultanément, à 3 minutes près. De ce côté également, l’ennemi surpris se barricade dans les maisons et, par les fenêtres, par les portes, par les toits, tire sur tous ceux qui approchent.
Cependant le feu est mis avec du pétrole et de la paille à une maison occupée ; l’ennemi l’évacue et on le fait prisonnier. On essaie de mettre le feu aux maisons suivantes sans y réussir. Au Nord comme au Sud du village, il est impossible de traverser les rues. Les hommes doivent se coller contre les murs dans les maisons prises.
Le feu de l’ennemi redouble d'intensité, l’artillerie ennemie à son tour inonde d’obus le village et le bois ; plusieurs officiers sont tués ou blessés.

La Ville aux Bois le village


Le colonel Gloxin, avec sa liaison, traverse le village la canne à la main, malgré le feu intense. Le capitaine Lespinasse est grièvement blessé au bras à côté du colonel.
8 heures. — La 4e Cie, dont le capitaine Dupuch a été tué, a été repoussée à l’intérieur du village ; le colonel prescrit à la 2e Cie, capitaine Marc, de s’installer à la lisière Nord du village et de repousser les allemands qui s’y sont portés ; la 2° Cie réussit à prendre pied à une centaine de mètres de cette lisière.
9 heures. — Cette compagnie, attaquée de front et sur le flanc droit, est obligée de reculer ; elle subit des pertes très grandes. Le capitaine Marc et le lieutenant Cachan sont tués.
La 3° compagnie engagée à la lisière Est du bois tombe dans une embuscade en voulant gagner la route de Berry-au-Bac à Corbeny. Cette compagnie a été faite prisonnière après avoir subi de grosses pertes, ainsi qu'un peloton de la 1"° à sa droite. À l’intérieur du village la lutte continue avec opiniâtreté, on cherche à mettre le feu aux maisons occupées par l’ennemi. Le lieutenant Boerner est blessé mortellement après avoir escaladé une échelle et être entré par une lucarne du toit dans une maison occupée par les Saxons.
10 heures. — Le régiment se maintient néanmoins dans le village. Les trois compagnies du 2ème bataillon ont ordre de se porter sur La Ville-aux-Bois pour coopérer à l’attaque. Les 5° et 6° compagnies doivent s’établir à la lisière Nord du village. Compte-rendu de la situation est envoyé au général de brigade qui avait déjà été renseigné par le capitaine-adjoint au chef de corps, au moment où, blessé au bras, il arrive à Pontavert.
Le 18° RI est renforcé à sa droite par deux faibles compagnies du 57° RI (commandant Picot). La 11e Cie ayant reçu l’ordre d’aller renforcer la défense de la lisière Nord du village, s’y porte à son tour, mais elle est accueillie par un feu si violent qu’en un instant le capitaine (capitaine Jannot) et les chefs de section (lieutenant Cassagnau, adjudant Bourret, sergent-major Boutin) furent tués ou blessés grièvement. La compagnie subit des pertes très grandes et fut refoulée à l’intérieur du village.
15 heures. -— Des sapeurs du génie, avec de la mélinite, arrivent au village.
16 heures. — La maison voisine de celle incendiée le matin par le capitaine Melin s’écroule sous l’action des pétards et tous les Allemands qui l’occupaient sont enfouis sous les décombres. À ce moment les défenseurs de deux maisons, prévenus qu’on allait leur faire subir le même sort se rendent (6 officiers, 140 hommes). |
19 heures. — La partie Nord du village a dû être évacuée. Le régiment tient la partie Sud du village jusqu’aux maisons au Nord de l’église où il passe la nuit sans réaction de l’ennemi.
Journée du 17 septembre
4 heures. — Les 10° et 12° compagnies reçoivent l’ordre de se porter à la lisière Nord du village avec mission d’enlever les tranchées ennemies situées à 500 mètres environ au Nord de cette lisière. La 6° Cie doit servir de soutien à ces deux compagnies.
4 h. 30. —La 9e Cie , encadrée à gauche par une compagnie du 57° RI, à droite par une compagnie du 123e RI, se porte sur la route de Corbeny à Berry-au-Bac dans la direction du Nord-Est, à travers les bois à l’Est du village. { Les compagnies du 57e RI et du 123e RI, sont très violemment attaquées, subissent de grosses pertes, se replient sur la route de Pontavert.
La 9 compagnie (capitaine Olivari) complètement débordée et apprenant qu’une compagnie ennemie avec des mitrailleuses
se dirigeait vers la cote 54 lui fait face et l'empêche de déboucher du bois ; mais à son tour attaquée sur sa droite et de front, elle recule en combattant et se terre à la lisière Sud du bois où se trouvaient trois autres compagnies du régiment.
5 heures. — Les 10° et 12° compagnies parviennent à la lisière Nord du village mais ne peuvent enlever les tranchées qui se trouvent en avant de cette lisière. Sous un feu des plus violents d’artillerie lourde, d’infanterie et de mitrailleuses. ces deux compagnies sont obligées de se réfugier dans les caves du village.
10 heures. — L’artillerie ennemie continue à tirer et démolit les maisons, et de plus, l'infanterie ennemie débordant le village sur ses trois faces Nord, Est et Ouest, les 6°, 10° et 12° compagnies
ayant subi de grosses pertes, battent en retraite par le Sud et se reforment à la lisière Sud du bois, à cheval sur la route de Pontavert à La Ville-aux-Bois où elles se maintiennent.
14 heures. — La situation du régiment est la suivante : il est tout entier à l’Ouest de la route de Pontavert à La Ville-aux-Bois;
le 2° bataillon gardant la lisière Ouest du bois face à la cote 87 et à la Ferme du Temple ; le 3° bataillon occupe les tranchées à la lisière Sud du bois ; le 1" bataillon en réserve vers le mamelon au Nord-Est de la cote 77, le 57ème RI à sa droite

Le régiment reste dans à cette situation Jusqu’au 18 septembre 21 heures et à ce moment est relevé par le 8e RI du 1°" Corps. Il va cantonner à la ferme de la Fontaine-au-Vivier. Les pertes du régiment furent pendant ces trois journées de combat de 1.477 gradés et soldats tués, blessés, ou disparus. Officiers tués : capitaine Mare, commandant la 2e compagnie, Dupuch, commandant la 4e , Jannot, commandant la 11: (ce dernier mortellement atteint meurt quelques jours après) ; lieutenants Fourmigué, mitrailleur du 3e bataillon, Guiraud, commandant la 1" compagnie, Boerner, de la 7° Cie, Assou, (Voir sa page sur le site du CDD)de la 8e Cachan, de la 2e de la Haye et Golaz, de la 3e compagnie, Gizard, de la 12° compagnie. ‘
Blessés : Capitaines Lespinasse, adjoint au chef de corps (1), Chaubès, commandant la 5° compagnie, lieutenants Marrot, de la 6° compagnie, Montarnal, de la 5e Delaunay, de la 7e, Cassagneau et Boutin, de la 11°, Tilhet de l'E. M. [
Disparus : Lieutenant Rotgé, commandant la 3e compagnie ; sous-lieutenants Perinaud et Fau, de la 3e compagnie ; Lafont, de la 1"° compagnie.

Le 15 septembre au soir, le colonel Gloxin avait convoqué les trois chefs de bataillon et au moment de les quitter leur dit : « Demain, nous aurons une affaire excessivement rude qui coûtera au régiment 1.500 hommes ».
Si ce pronostic s’est réalisé, il convient de signaler l’importance du résultat tactique obtenu par la résistance magnifique du 18° RI à La Ville-aux-Bois. L’armée allemande, en effet, renforcée de troupes de toutes armes libérées par la reddition de Maubeuge dévalant la plaine de Sissonne, faisait au cours des 15, 16 et 17 septembre un effort désespéré pour percer le front français au niveau de Berry-au-Bac. Son succès lui aurait permis de prendre à revers la ligne française installée sensiblement le long du Chemin des Dames et sans le sacrifice sublime du régiment, la victoire de la Marne pouvait être compromise.
Après cette rude et sanglante affaire de La Ville-aux-Bois, le régiment rejoint sa division, la 36° DI , à Beaurieux, le 19 septembre à 8 heures du matin.

Le régiment est ensuite dirigé sur Vassogne.

 Source: Historique du 18e Régiment d'infanterie 1936