Récit de BOTTIER Lucien
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Description détaillée de l’attaque allemande du10 mars 1916.

Les biographies des soldats cités se trouvent à cette page


Portrait BOTTIER LucienNous prenons le secteur le 10 février 1916,

la 2e section monte en ligne de suite,

la 1ère reste en réserve,

la 3e en réserve au Bois en Équerre.

La 1ère monte remplacer la 2eme le 24 février et celle-ci reprend la place de la 1ere en réserve.

Au commencement de mars il est question que le régiment doit être relevé le 10 mars.

Un moment on entend dire que la 3eme ne doit pas monter en ligne cette fois ci.

 

Le 4 mars, nous avons ordre de garder du linge de rechange dans notre musette et nous portons notre sac au bureau, qui le fait prendre par le ravitaillement et le remettre à notre train de combat qui se trouve à Concevreux.

Le 5 mars une corvée de 10 hommes de notre section est commandée pour aller chercher les sacs de la 1ere section qui est en ligne Le lieutenant JOULIN nous dit en descendant que nous avons mangé notre pain blanc le 1er (mars) car les 3 sections vont monter en ligne.

Le 6 mars en effet notre section va avec la 2eme section la place d’une section de la CM B2 dont une pièce au Bois Franco-allemand et l’autre au Bois des Buttes bien à droite du « Gros Chêne »Nous redescendons le matériel de la CM B2 Hotchkiss sur gros trépieds de remparts.

Le lendemain au 7 mars c’est notre tour. Nous devons prendre la place d’une section de rempart également,du 286e qui se trouve au Gros Chêne. Nous prenons donc nos dispositions dès le matin pour faire la relève.

7 mars [autre partie du carnet] Monté en 1ere ligne et pris position à l’observatoire dans la pointe avancée du Bois des Buttes entre Pontavert et La Ville au Bois

8 mars Bombardement ennemi distancé de 8h45 à 17h00

9 mars Bombardement de de 8h00 à 18h00

La section se composait comme ceci :            GENDRET Sergent

1ere pièce 2ème pièce
PIONNER Caporal MARLLANT Caporal
MANFAY 1er tireur (en perm) RICO 1er tireur
DEL 2éme PINCEMIN 2ème
MARTY 1er chargeur GUIGUAND 1er chargeur
GIRARD 2ème GUIGUAND 1er chargeur
HERTHEMER 1er aide chargeur BAUBET 1er aide chargeur
BOTTIER 2ème GUENAULT 2ème
CHARRIER pourvoyeur ROCHER pourvoyeur

TILLOU armurier

TOURET Caporal en doublure

HERTHEMER étant parti quelques jours avant dans un centre d’aviation à Dijon ayant été remplacé par CHAMBE élève sortant de la 24e Cie. Je demande donc à PIONNER avant de monter si je prends la place du 1er ou si je reste en doublure, il me répond que CHAMBE remplace HERTHEMER, je reste comme je suis.

A 8h00 les caporaux et 3 hommes en pied de chaque pièce, montent avec les pièces faire la relève. Nous restons GIRARD et moi, CHARRIER, BAUBET, GUENAULT, avec le caporal TOURET pour monter les munitions et nous finissons vers 13h00, ou nous arrivons à notre tour à l’observatoire. Pendant ce temps, les 1er montés avaient mis leur pièce respective en position et s’étaient emparés de toutes les places disponibles.

Dans le 1er abri (8 places) GENDRET, PIONNER, MAILLARD, TOURET, DEL, MARTY, CHAMBE, TILLOU, abri construit hors terre avec rondins et tôles.

Dans le 2e abri plus petit, servant de dépôt aux munitions s’étaient installés RICO, GUINGAND et BAUBET, abri dans le même genre.

Nous restons donc sans place, lorsque le S/lieutenant VINCENT, après avoir cherché avait découvert un abri au pied de l’observatoire déjà signalé à 4 mètres sous terre,mais rempli de matériaux qui avaient servis pour l’observatoire. Rien d’installé système D, mais il nous permet aux 4 gus, nous restons, de faire en sorte de pouvoir coucher le soir. Nous nous mettons aussitôt au travail, et ayant trouvé un rouleau de grillage, nous parvenons à nous installer 4 lits pour la nuit.

Le Lieutenant étant venu nous voir le lendemain avec le Lieutenant du 246e RI qui devait nous relever, quelques jours après, nous dit de réinstaller 4 autres lits, la section du 246e étant plus forte que la nôtre. Nous finissons ce travail le 9 mars tout en prenant nos heures de garde, comme les autres.

Le soir ROCHER rentrait de permission. Pendant ces 2 jours, nous entendions le bombardement qui était assez espacé du reste, mais n’ayant rien à en craindre, nous travaillons en toute assurance.

Le Sergent nous avertit le soir qu’il faut aller prendre le jus le lendemain matin à 6h00 dans son abri car nous devons aller en corvée à La Sapinière pour remonter des cadres, car le génie doit commencer de suite un abri pour nos pièces avec un créneau donnant dans le versant face à La Ville au Bois. La nuit se passe calme, presque pas de coups de fusil.

Le lendemain (nota : 10 mars 1916 )

je m’éveille et rentre dans mes souliers à 5h45, j’appelle les camarades d’aller au jus. A 5h50 première marmite près de nôtre abri, suivi de plusieurs autres. Nous attendons quelques instants et voyant que ça continue, nous attendons encore, attendant que le moment soit plus propice pour la corvée, à moins que le Sergent nous y envoie. Prenant la tournure d’un bombardement sérieux nous attendons dans nôtre abri.

Vers 7h00 CHAMBE nous apporte le jus. TILLOU qui a fini sa garde à la pièce vient nous retrouver, bientôt suivi de GUINGAND et de BAUBET qui ne se sentent plus à l’abri dans leur guitoune.

Vers 8h00 MAILLARD et RICO nous apportent la gnôle qui nous réconforte un peu, restent quelques instants avec nous, puis regagnent leur abri. Pendant ce temps bombardement intense de tous calibres qui nous souffle la bougie à tous moments, en faisant trembler le sol sous nos pieds.

A 8h45 accalmie de 10 minutes pendant laquelle le S/lieutenant VINCENT qui était monté avant de son abri, à l’abri du Sergent va voir les pièces avec le Sergent et quelques hommes. Une est complètement enterré impossible de l’avoir, l’autre pleine de terre est rentré au 1er abri pour la nettoyer. Juste ce temps et reprise du bombardement, le S/lieutenant VINCENT vient prendre abri dans le nôtre, suivi de RICO.

Jusqu’à 10h15 il se produit un nouvel arrêt, nous subissons tous, l’effet du bombardement, prévoyant même qu’une attaque suivrait fatalement. Le S/lieutenant profite de ce nouvel arrêt pour redescendre à son abri en demandant un homme de bonne volonté pour prévenir le Lieutenant sur l’état des pièces et chercher des ordres, RICO se propose et part avec lui. Reprise presque aussitôt du bombardement. L’heure de la soupe passe sans qu’aucun de nous pense à manger et surtout n’ose risquer sa vie pour cela, en descendant en corvée à la cuisines.

13h45, nouvelle interruption, nous mettons le nez dehors de la neige qu’il y avait le matin, plus de trace, des trous partout, les arbres tombés en tous sens, déchiquetés, notre boyau bouché, nous redescendons. RICO nous appelle du haut ; « Vite, vite, montez avec des pelles, la guitoune est effondrée ». Nous montons tous avec émoi et arrivons à l’abri du sergent. Quel spectacle MARTY qui avait pu se sauver seul avait été se faire panser et avertir le S/lieutenant qui était déjà arrivé comme nous. GUINGAND qui ne pouvait rien faire devant ce spectacle est envoyé chercher les brancardiers GUENAND je crois avec lui TILLOU, GIRARD, (illisible) vont à la recherche de caillebotis pour improviser des brancards.

Je reste avec ROCHER et RICO pour dégager ces infortunés, un obus était entré en bout de l’abri et avait tout retourné. Nous mettons déjà dans le boyau CHAMBE qui était tombé devant la porte, une jambe cassée.

Ensuite nous sortons MAILLARD qui paraissait ne rien avoir, nous l’allongeons dans le boyau, je lui dégrafe ses vêtements, PIONNER était enterré jusqu’à la tête. Nous lui dégageons ses membres, l’un après l’autre, ne lui laissant qu’une jambe enterrée, il déraisonnait et paraissait avoir les jambes cassées, GENDRET râlait et de sa bouche sortait du sang, nous le dégageons et l’allongeons dans la guitoune. TOURET était accroché par l’épaule en l’air, je ne sais comment et râlait. DEL paraissait tué. Le bombardement ayant repris depuis déjà un moment, le S/lieutenant prend notre avis, les marmites tombent tout près, nous ne pouvons continuer notre travail de délivrance et nous retournons tous à mon abri ou GIRARD et CHARRIER étaient déjà revenus, nous promettant de revenir au premier moment favorable. Nous y étions restés un moment lorsque nous entendons la voix de MAILLARD qui était revenu à lui et avait eu l’idée et la force de venir nous retrouver, joie de tous. Peu de temps après TILLOU qui était resté blotti à coté de caillebotis arrive à son tour en nous disant qu’il entendait des coups de fusils. Le S/lieutenant, monte en haut de l’abri et se sauve aussitôt en direction de La Sapinière en criant « V’là les Boches » Il essuie quelques coups de feu qui n’ont pas dû le toucher et nous, nous essuyons 2 grenades qui sont lancées du haut de chaque escaliers. Puis cette vague a dû passer probablement, car nous ayant replié au fond pour nous consulter, ce n’est que quelques instants après, qu’une autre grenade est lancée du haut et blesse MAILLARD et CHARRIER. Minutes d’angoisses qui paraissent des heures, mais cette fois, il n’y a plus à hésiter, ne pouvant nous défendre dans ce trou, nous montons pour nous rendre, MAILLARD, RICO, BAUBET, ROCHER, CHARRIER, GIRARD, TILLOU et moi. Il est environs 15h45, nous sommes prisonniers. Nous traversons les lignes toutes bouleversées, comme nous pouvons, sous les obus, précédés et suivi d’un brancardier, revolver au poing et nous arrivons à La Ville au Bois ou nos blessés sont pansés. Journée tragique.

[autre partie du carnet] pour la journée du 10 mars

Bombardement ennemi intense de 5h50 au soir,

fait prisonnier à 16h00 dans la guitoune de l’observatoire avec : MAILLARD Georges Caporal GIRARD CHARRIER TILLOU, ROCHER, RICO, BAUBET

Abri du chef de section effondré vers 12h30

GENVRET Sergent, TOURET Caporal, PIONNIER Caporal, DEL (peut être DILL )Tué MARTY Blessé à la figure, CHAMBE Jambe coupée, MAILLARD Indemne, GUINGAND Blessé prisonnier, GUENAULT (barré)

Fait prisonniers au nombre de 725 soldats et 12 officiers (650 environ du régiment) par le 108e Chasseurs saxon.

Emmenés dans les lignes allemandes, par les soldats très correct et très polis passé la nuit en baraquement, lumière électrique, mangé pain K et choucroute très bien.

Le 11 mars

Parti à 8h00 pour Amifontaine, en traversant Guignicourt, femmes serrant les mains. Pris le train vers 10h00 pour Laon, arrivé l’après-midi, traversé la ville et passé la nuit dans une caserne, mangé une espèce de semoule.

Prisonniers 276e RI Laon Prisonniers 276e Ri

Le 12 mars

Parti de Laon, caserne à 8h00 embarqué à 9h00, wagon aménagé, banquettes en travers, contenance 60 hommes , 3 plantons allemands par wagon. Passé à La Fére, Le Cateau, Lambrecies, Maubeuge, Jeumont gare frontière ou nous avons mangé, très belle installation. Continué toute la nuit en chemin de fer sur Sambre et Meuse 1ere gare belge Charleroi, Liège, Herbesthal, (1ere station allemande)

Bois des Buttes Mars 1916

Le 13 mars

Herbesthal 6 h00 du matin repas,reparti à 7h00, passé à Aachen (Aix la Chapelle) …………… Arrivé à Munster à 17h00 traversé de la ville et direction du camp.

BOTTIER Lucien sera libéré en 1919

Source: Album BERTHELEM

Archives Départementale de l' Essonne ( Fonds CATHERIN Guy)

 

 

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