TÉMOIGNAGE DU GÉNÉRAL HENRY CADOUX
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L’ACCABLANT TÉMOIGNAGE DU GÉNÉRAL HENRY CADOUX


<<Les responsables des lenteurs de la poursuite de l'ennemi après la Victoire de la Marne>>


Chacun sait que, dans la poursuite, il y eut des pertes de temps regrettables. Les troupes bien commandées progressaient presque sans arrêt et presque sans résistance de la part de l’ennemi désorienté. Le corps de cavalerie Conneau était arrivé au camp de Sissonne et des divisions d'infanterie, franchissant l’Aisne, à Pontavert, à Berry-au-Bac. à Guignicourt et à Neufchâtel se trouvaient le 13 septembre 1914, à plusieurs kilomètres au nord de la rivière. Toutes ces unités furent ramenées par ordre, au sud de l'Aisne, parce que des corps s’étaient sans motif valable ou avouable, attardés avant de pénétré dans Châlons et dans Reims. A ce moment, le terrain semblait peut compter dans l’esprit du G.Q.G. français. Les fameuses cotes 108. à Berry-au-Bac et 100 à l'est de La Neuville, Cormicy, furent abandonnées, sans combat, par nos troupes et immédiatement occupées par les Allemands en la possession desquels elles restèrent jusqu'à la mi-année 1918. jusqu'à la dernière offensive générale, malgré les milliers d'existences sacrifiées pour les reprendre dans des luttes sans cesse renouvelées.
Les forts de Reims, évacués par les Allemands et réoccupés par nos troupes, furent repris par l'ennemi, les défenseurs n'ayant pu obtenir, à temps, les renforts qu'ils demandaient « à cor et à cris »
Le fort de Brimont, solidement tenu par un bataillon du 39e, succomba le dernier : ce bataillon fut fait prisonnier.
C'est à la reprise et à la réoccupation des forts et notamment de celui de Brimont, par les Allemands, que la ville de Reims dut sa destruction. On connaît les responsables. La belle victoire de la Marne, incomplètement exploitée eut de bien tristes lendemains.
Nous sommes à la mi-septembre 1914. Le G.Q.G. français va prendre ses quartiers d'hiver et, selon l’expression consacrée par Joffre. le grignotage va commencer. Il sera fortement assaisonné en pertes superflues de vies humaines pendant la longue période de stabilisation, du côté de l’Entente, chacun tire à hue et à dia. Ce sera aussi la période des grandes offensives partielles où des erreurs graves furent commises.
Avec les Anglais, les Russes, les Italiens sans compter les Belges, les Serbes et les Roumains, nous formons une vaste coalition. Chaque armée obéit le plus souvent aux seules impulsions de ses propres chefs et le G.Q.G. français se trouve parfois, obligé de prendre mille précautions pour faire connaître ses conceptions aux alliés et leur demander, par insinuations, de vouloir bien s'y référer.
Le G.Q.G. français n'a pas le pouvoir d'ordonner et de commander impérativement.
Du côté allemand, rien de pareil : on ordonne, on commande et tout le monde obéit avec la plus extrême passivité. C'est l’unique méthode pour mettre l'adversaire en état d’infériorité.
Nous nous souvenons, à ce propos. de ce qu'en pensait Sarrail : « Plus Je me remémore, disait-il, les guerres de Napoléon et plus je considère les succès, souvent justifiés des Austro-Allemands dans la guerre actuelle, plus je me rends compte de la facilité avec laquelle on peut tenir en échec et battre une coalition. Le général Sarrail avait vu juste.
En effet, à partir du jour où le générai Foch fut désigné comme commandant suprême des armées de l’Entente et après une période de transition indispensable au rétablissement d'une situation fortement compromise, il n'y eut plus qu'à coordonner l'attaque générale sur tous les fronts, pour provoquer l’offensive salvatrice et l'effondrement de l’Allemagne.
Les armées allemandes rejetées de la mer à la Meuse par nos admirables poilus. étaient à notre merci, avec leurs lignes de communications totalement embouteillées.
La Grande Guerre mondiale n'a révélé aucun général de génie ; seulement d’excellents et de bons généraux. Mais ce qu’elle a révélé, c'est le génie, le courage invraisemblable de nos admirables poilus.
Les soldats de 1914, ont lutté sans canons lourds, et presque sans mitrailleuses. Nos canons n’étaient que 1 contre 11 avec 1.400 coups seulement à tirer par pièce de 75. Le service, l'outillage sanitaire étaient nuls.
Mais les combattants de 1914, au moral élevé, supérieur, ont paré à tout, ont suppléé à tout, ont tout fait. Les héros du début de la guerre le demeurèrent jusqu'à la fin.
Dès qu'on leur confia le matériel nécessaire, il n’y eut plus qu'à leur commander : En avant ! et ils gagnèrent la victoire finale. Ce sont véritablement les anciens combattants français qui ont gagné la guerre.
Eux surtout furent extraordinaires.
Général Henri CADOUX. »

La Tribune de l’Aube, 9 mai 1930

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